Lettre aux investisseurs - Juin 2023
Chers Co-investisseurs,
Dans notre lettre de début d’année nous écrivions : « la grande inconnue de l’année sera l’évolution du prix de l’énergie ». L’hiver doux en Europe et les aides mises en place par les États ont enlevé la pression sur le consommateur et les marges des entreprises européennes. Etant donné la situation de risque de crise énergétique, les entreprises avaient été prudentes en début d’année sur leurs perspectives 2023. Il n’y aura donc pas, selon nous, l’accident sur les profits que nous redoutions en début d’année. Les investisseurs ont été pris à revers sur leurs prévisions de récession et la spéculation autour de l’intelligence artificielle a fait le reste pour expliquer cette hausse inattendue des indices boursiers.
Après une très bonne année 2022 à+14.9 %, le fonds BDL Rempart, Fonds Long/Short, commence mal l’année 2023 et affiche une performance négative de -3.6%*. Le fonds BDL Convictions, fonds PEA, affiche une performance de +5.1%* et sous-performe l’indice du Stoxx600 dividendes réinvestis qui est lui en hausse de +7.7%*.
Oui, ces résultats du premier semestre, nous le reconnaissons, ne sont pas à la hauteur des attentes. Nous restons cependant confiants, après trois années de fortes hausses de nos fonds, en notre capacité de saisir les opportunités qui émergent durant cette phase d’ajustement post pandémie, guerre, crise énergétique, inflation et faillites bancaires.
La période des résultats semestriels arrive. Elle est généralement propice au retour de l’attention des investisseurs sur les fondamentaux des entreprises et donc des performances de nos fonds plutôt que les peurs macro-économiques et géopolitiques.
Cette période post covid, guerre et inflation n’est pas facile à analyser car tout semble fonctionner par à-coups, en accordéon. L’équipe s’est mobilisée encore plus que d’accoutumée pour aller à la rencontre des entreprises au mois de juin. Nous avons échangé avec plus d’une centaine d’entreprises. Nous nous sommes déplacés en Chine pour y faire le point sur la situation post déconfinement, en Corée et à Taiwan pour mieux appréhender l’industrie des semi-conducteurs, et en Allemagne pour rencontrer les chimistes qui sont au tout début de la chaîne de production. Nous avons également assisté à de nombreuses conférences pour mieux prendre le pouls sur les résultats à venir et les perspectives sur la fin d’année. Nous espérions pouvoir revenir avec une vision plus claire sur l’impact de l’effet du déstockage auquel nous assistons depuis le troisième trimestre 2022.Malheureusement, ce n’est pas le cas. La visibilité reste faible pour tout le monde, même si cette phase de déstockage semble toucher à sa fin. Nous avons cependant pu tirer de nos rencontres quelques enseignements clés qui nous permettent de piloter nos investissements.
D’abord, nous trouvons qu’il y aune dichotomie entre les entreprises qui vendent à d’autres entreprises (B2B)et celles qui vendent directement aux consommateurs (B2C). Les perspectives sur le B2B sont plus positives car leurs volumes sont en ligne avec leurs prévisions qui étaient prudentes. Ces entreprises ont même tendance à profiter de marges plus élevées grâce à des coûts de production et de logistique inférieurs à leur budget. Elles devraient aussi continuer à profiter des plans de relance massifs mis en place par les États et des « mégatrends » comme la décarbonation, la digitalisation, l’électrification et la réindustrialisation. Les entreprises duB2C semblent, elles, plus affectées par le rebond décevant de la consommation en Chine post confinement et une normalisation des dépenses du consommateur américain.
Nos investissements Long
BDL Rempart, fonds Long/Short & BDL Convictions, fonds PEA.
Vivendi(7.5% des fonds) : nous avions cédé notre participation l’année dernière quand l’entreprise rachetait ses propres actions. Suite à la forte baisse du titre, il s’agit à nouveau de l’un de nos plus gros investissements. Vivendi devra annuler une partie de ses actions auto-détenues en septembre. Pour éviter un franchissement de seuil passif de 30% à ce moment-là et être obligé de lancer une OPA, le groupe Bolloré a cédé en juin 19 millions d’actions, ce qui a déclenché une vague de ventes. Les spéculateurs attendaient une offre imminente sur le groupe. Ils sont déçus car il ne se passera rien avant, au mieux, 2024 le temps que le groupe Bolloré récupère l’argent de la cession de sa branche logistique à CMA-CGM. Investir dans la galaxie Bolloré est très rentable, mais il faut savoir être patient. Après déduction des participations financières, le titre traite à 4x le résultat opérationnel. Trop bon marché pour être impatient !
Arkema(4% des fonds) : nous trouvons que Thierry le Hénaff a fait un travail formidable en transformant cette entreprise après sa séparation de Total en 2006. Nous avons profité de la tempête énergétique(malgré un impact très limité dans son cas), et du déstockage sans précédent depuis trois trimestres qu’a subi l’industrie chimique, pour acquérir un peu plus de 1.5 % du capital de ce fleuron industriel. Le groupe s’est recentré sur deux activités principales. D’un côté, l’industrie des adhésifs, peu consommatrice en capital, génère un cash-flow récurrent qui lui permet de croitre par acquisition dans ce secteur encore très fragmenté. De l’autre, l’industrie des matériaux composites qui offre un fort potentiel de croissance, notamment grâce à un matériau biosourcé à base d'huile de ricin, qui bénéficiera d'une nouvelle usine ouverte à Singapour début 2023. Arkema semble très sous valorisée à 7.5x PE 2024 et 12 % de rendement de free cash-flow.
Engie(4% des fonds) : normalement nous n’aimons pas investir aux cotés des États. Ce sont généralement de très mauvais co-actionnaires. Nous avons cependant fait ici une exception. Ce groupe était tellement mal géré que nous ne voyons pas comment cela pouvait être pire ! Pour le moment, nous sommes impressionnés par les résultats obtenus par l’équipe mise en place par Jean-Pierre Clamadieu. En moins de 5 ans, 90 % du Comex a été remplacé, douze milliards d’euros d’actifs ont été cédés, les résultats financiers et les dividendes sont à un niveau record, et un accord a été signé avec l’État belge limitant les risques liés aux déchets nucléaires. De plus, nous pensons que les prix de l’énergie vont rester structurellement plus élevés en Europe maintenant qu’il n’y a plus de gaz russe bon marché et des fermetures de centrales nucléaires et à charbon. Sans même avoir besoin d’évoquer les problèmes du soldat EDF. A 5x EBITDA et 9% de rendement du dividende, cette transformation est encore loin d'être reflétée dans la valorisation d'Engie.
ABInBev (3%des fonds): nous avons, pour la première fois, investi dans ce mastodonte de la bière. C’est le numéro un mondial avec des marques comme Budweiser, Stella Artois ou Corona. Nous avons profité de la polémique sur la campagne publicitaire Bud Light aux États-Unis et de la baisse du cours de bourse pour devenir actionnaire. Nous pensons que l’environnement inflationniste actuel va lui permettre de grignoter sa dette de 70 milliards. Nous devrions aussi pouvoir profiter du reflux des coûts matières comme l’énergie, l’aluminium et le malt pour remonter les marges. La valorisation attractive de13.5x le PE 2024 et 7.7 % du rendement du free cash-flow nous laisse une marge de sécurité suffisante sur nos prévisions très prudentes concernant le redressement de Bud Light.
Ryanair(2% des fonds) : l’entreprise a tiré profit de la crise sanitaire pour commander des avions et rajeunir sa flotte, alors que les concurrents luttent pour survivre. Les avions neufs sont plus économes (environ20% de réduction de consommation de carburant) et transportent plus de passagers. Ryanair continue d’accroitre l’avantage compétitif qu’il a sur les autres compagnies. Il y a de la place pour suivre la hausse des prix des concurrents tout en gardant son attractivité et son modèle économique intact. Nous sommes certains que l’entreprise peut faire beaucoup mieux que nos estimations prudentes de stabilisation des profits par passager.
Banques(12% des fonds): nous avons remonté nos investissements au niveau pré faillites de SVB et Credit Suisse. Nous avons été frappés du peu d’intérêt sur le secteur lors de notre participation à la conférence sur les financières organisée par Goldman Sachs. Il y avait très peu de participants pour écouter les banquiers nous expliquer que leur marge d’intérêt va rester élevée au moins jusqu’en 2025. Nous avons sélectionné les leaders : BNP, ING et Intesa Sanpaolo. Elles traitent toutes à des multiples inférieurs à ceux de la grande crise financière, alors que leurs fonds propres sont excédentaires, et que le coût du risque reste très bas. Elles versent toutes un dividende d’environ 8%, font du rachat d’actions, et traitent à la moitié de la valeur de leurs fonds propres.
Mégatrends(16% des fonds) : lors de la conférence organisée par JP Morgan à laquelle nous assistons chaque année près d’Ascot en Angleterre, nous avons le privilège d’être en petit comité avec les dirigeants des plus grandes entreprises d’équipements industriels en Europe. Le constat est unanime. Les megatrends que sont la décarbonation, la digitalisation et l’électrification accélèrent. Nous sommes actionnaires de Siemens, Saint-Gobain et Rexel.
Publicis : nous avons décidé de céder notre participation dans Publicis. Notre plus-value est conséquente : + 42%.Publicis continue de bien performer opérationnellement mais la valorisation ne nous laisse plus suffisamment de marge de sécurité pour une entreprise qui ne nous rassure pas encore totalement sur ses choix quant à l’allocation de son capital. Après la forte hausse du titre, si nous ajustons le free cash-flow des600 millions d’acquisitions par an qui semblent nécessaires au modèle économique alors le rendement du free cash-flow serait devenu le plus faible de nos investissements.
Mercedes: nous avons décidé de vendre nos actions Mercedes. La plus-value est de 30%. Le management a très bien exécuté sa stratégie. Elle est basée sur un fort pricing power avec une priorité donnée aux produits du haut de la gamme et non aux volumes. Ceci a permis une évolution de45% cumulé du prix/mix depuis 2019. A cela s’ajoute un retour important de cash aux actionnaires avec un dividende de 8% complété par la mise en place d’un programme de rachat d’actions de 4 milliards d'euros. Dans un contexte de dégradation de l’environnement macroéconomique, notamment en Chine, et des incertitudes technologiques qui pèsent sur l’industrie automobile, nous avons préféré réallouer notre capital sur des entreprises pour lesquelles nous sommes plus à l’aise quant à la trajectoire de consommation de capital, de revenus et de marges.
Nos investissements Short
BDL Rempart, fonds Long/Short
Embracer : Depuis novembre 2022, nous détenions une position short sur Embracer, que nous vous avions présentée lors de notre point de rentrée en janvier 2023.
Cette société suédoise opère comme un conglomérat de studios de jeux vidéo. Elle s’est construite sur une stratégie d’acquisition agressive, et a accumulé au fil du temps un large portefeuille de franchises de jeux vidéo. Certaines de ces franchises sont très connues mais en perte de vitesse, comme Tomb Raider, d’autres plus« niche ». Depuis mars 2022, elle est également active dans le secteur des jeux de société avec le rachat d’Asmodée, société française qui édite des jeux comme Catan et Les Aventuriers du Rail.
Ce rachat d’Asmodée, réalisé sur un multiple élevé et au pic du cycle de la demande, a conduit Embracer à s’endetter de façon déraisonnable, alors même qu’elle n’avait jamais généré de flux de trésorerie significatifs. La société était vulnérable à un retournement de son marché, après deux années exceptionnelles à la fois pour les jeux vidéo et les jeux de société, durant lesquelles la demande a été poussée par les confinements successifs et le télétravail.
Nos travaux sur les comptes nous ont permis d’identifier une détérioration rapide de la profitabilité sous-jacente, partiellement masquée par une créativité comptable grandissante. Le management annonçait en parallèle des partenariats « majeurs »ayant pour vocation de réduire les investissements et améliorer la génération de trésorerie, mais les annonces concrètes étaient décevantes et d’un impact limité.
Nous avons clôturé cette position le 24 mai sur une baisse de 50% pour un profit de 0.4% du fonds, le jour de la publication des résultats annuels 2022-2023 de la société, accompagnée d’un avertissement sur résultats pour l’année 2023-2024.
Nous avons également débouclé, sans perte ni gain, un panier de 40 valeurs sur le secteur immobilier que nous avions construit au moment de la faillite de la banque américaine SVB.
Le plus gros détracteur de performance depuis le début de l’année est une option de protection que nous avions mise en place pour nous protéger lors des discussions autour du plafond de la dette américaine. Nous avons perdu 1.2% du fonds avec l’expiration de cette protection. Elle nous a néanmoins permis de garder notre biais long important. Nous vous rappelons que l’utilisation de ces options est nouvelle depuis 18 mois dans le cadre de notre politique de contrôle des risques. Nous ne les utilisons que dans le cas d’identification d’un évènement négatif très précis. Nous avions très largement profité de ce nouvel outil lors de l’invasion russe. Nous n’avons pas d’option de protection à ce jour.
Développement : Augustin Tixier a rejoint Louis Larère sur le secteur des utilities, de la chimie et de la santé.
Conclusion
Vous le savez, et surtout en période inflationniste, nous pensons qu’il n’y a pas de meilleur investissement que l’entreprise. La grande dislocation provoquée parles taux à zéro, la covid, la guerre, l’inflation et maintenant la remontée brutale des taux d’intérêt est loin d’être corrigée. A nous de vous démontrer que nous saurons en profiter !