Lettre aux investisseurs - Janvier 2024
BDL Rempart & BDL Convictions
Chers co-investisseurs
En 2023, à nouveau, il nous aura fallu comprendre et maîtriser de nombreux événements complexes comme la réouverture de la Chine, la faillite de banques régionales américaines, les négociations difficiles sur le plafond de la dette américaine ou encore le déclenchement du conflit israélo-palestinien. Mais c’est le fameux « pivot » de la Fed qui aura constitué le moment le plus important de l’année, occasionnant un très fort rebond des marchés en fin d’année.
Dans ce contexte chahuté, BDL Rempart est en hause de 6.6%* et poursuit sa progression après une performance de 15.6% en 2022. BDL Convictions, fonds PEA, est en hausse de 16.3%* et son indice, le Stoxx600 dividendes réinvestis, de 15.8%.
En un an, la dynamique concernant les politiques monétaires a radicalement changé. Les banques centrales ont bien avancé dans leur lutte contre l’inflation et il est désormais raisonnable d’anticiper des baisses de taux en 2024. Il y a deux raisons à cela. D’une part, dans la plupart des pays développés, l’inflation en rythme annualisé a fortement baissé et se dirige progressivement vers l’objectif de 2%. Les politiques monétaires sont donc restrictives et la marge de manœuvre est restaurée pour baisser les taux si nécessaire. D’autre part, la plupart des indicateurs montrent un ralentissement économique déjà bien réel en Europe et imminent aux Etats-Unis. Il serait en effet surprenant que le cycle de hausse des taux le plus brutal depuis les années 80 n’ait pas de conséquences sur l’économie réelle.
A court terme, la fin du déstockage accentue ces tendances au ralentissement. Nous avions déjà évoqué ce phénomène, conséquence d’un restockage massif à la sortie du COVID. Les stocks ne sont plus un problème chez les fabricants mais ils le sont encore chez les distributeurs.
Il faudra donc finir de les écouler au 1er trimestre 2024. Cela pèsera sur les volumes et donc sur le chiffre d’affaires des entreprises. En parallèle, même si les coûts liés aux matières premières baissent, les salaires et les frais financiers montent. En l’absence de nouvelles hausses de prix, des volumes en baisse et des coûts en hausse signifient que la rentabilité moyenne des entreprises devrait être en retrait au 1er semestre 2024.
Nous traversons donc ce que nous appelons un « trou d’air », probablement jusqu’au printemps. Cependant, cela ne devrait rester qu’un trou d’air passager, car l’économie, comme les marchés, peuvent compter sur plusieurs éléments stabilisateurs. Les plans de relance annoncés au moment du COVID et amplifiés ensuite en sont un exemple. Nos travaux montrent que sur les 600 milliards de dollars du Green Deal européen, seuls 40 milliards ont déjà été dépensés. Compte tenu des échéances de ces plans, les dépenses annuelles pourraient être multipliées par 4 à partir de 2024. Un autre élément stabilisateur important se trouve du côté des salaires. L’effet des négociations salariales des deux dernières années continuera en 2024, au moment où l’inflation est plus faible. Cela signifie que pour la première fois depuis plus de deux ans, il y aura une croissance des salaires réels en Europe et donc un consommateur européen qui retrouve du pouvoir d’achat. C’est une bonne nouvelle pour les dépenses des ménages qui comptent pour 50% du PIB européen.
Du côté des marchés, trois points importants sont à noter. D’une part, il n’y a pas de bulle spéculative en Europe, loin de là. A 12,3x les bénéfices, le marché européen est sur sa moyenne des 30 dernières années et fortement décoté par rapport à beaucoup d’autres régions, les Etats-Unis en tête. Le « prix » est donc le bon et constitue en soi un stabilisateur.
D’autre part, à la suite de la remontée rapide des taux courts, mille trois cents milliards de dollars ont été investis sur des SICAV monétaires en 2023. Les anticipations de baisse de taux pourraient provoquer des rachats importants, ce qui a toujours coïncidé avec une hausse des marchés actions historiquement.
Enfin, et c’est le point le plus important pour BDL Rempart, la dispersion des valorisations reste très significative. Les sociétés très chères (PE>20x) représentent 1/3 du marché européen alors que c’était moins de 10% avant la grande crise financière de 2008, quand les taux réels étaient positifs, comme aujourd’hui. De même il reste encore de nombreuses sociétés faiblement valorisées dont nous pouvons profiter en long. Notre analyse est que la politique monétaire s’est ajustée très rapidement mais que les marchés mettent plus de temps à se normaliser. C’est une très bonne configuration pour notre métier, le long/short.
Ce dernier point mérite quelques commentaires. Si nous avons créé BDL Rempart en 2005, c’est parce que nous étions convaincus qu’il était possible de générer de la performance à la fois en long et en short. Pour nous, la poche short n’était pas une simple « couverture » de la poche longue mais une source de performance à part entière. Cela s’est révélé exact sur les années qui ont suivi et jusqu’à la période de« taux zéro ». En effet, entre 2016 et 2020, les taux réels négatifs ont provoqué la disparition du « coût de l’argent » et rendu la notion de valorisation obsolète. Dans ce contexte irrationnel, le métier du short était devenu très compliqué. Mais depuis la normalisation des politiques monétaires, notre vision initiale est de nouveau pertinente, le short est bien un vrai moteur de performance. Les trois dernières années en témoignent. Sur la période, BDL Rempart est en hausse de 42%* et surperforme l’indice SXXP de 17%. Sur ces 17% de surperformance, 14%, soit 4/5, viennent des performances de la poche short. BDL Rempart peut durablement compter sur ses deux moteurs : la poche Long et la poche Short.
Nos investissements Long
BDL Convictions & BDL Rempart
Saint-Gobain (8.6% des fonds) : notre participation dans le leader de la rénovation en Europe a largement contribué à notre performance de 2023. Nous gardons une position importante car Saint-Gobain rassemble plusieurs caractéristiques attrayantes. L’impératif de la transition énergétique assure une croissance pérenne de ses marchés finaux. Le groupe profite de ses positions de leader pour monter les prix et maintenir sa rentabilité. Les changements de management des dernières années ont conduit à une meilleure allocation du capital en renforçant les métiers à plus forte valeur ajoutée (chimie, matériaux de spécialité) et en cédant des activités qui n’avaient pas la taille critique. Ce « Saint-Gobain 2.0 » est donc bien plus solide qu’il y a quelques années et reste significativement sous-valorisé, à seulement 9.5x PE 2024.
JD Sports (2.7% des fonds) : Nous sommes devenus actionnaires de ce groupe anglais, leader dans la distribution d’articles de sport. L’industrie des vêtements de sports est en forte croissance, 8% par an sur les 15 dernières années, tirée par l’engouement pour la pratique sportive, une tendance durable. JD Sports compte plus de 3000 magasins et distribue les principales marques comme Nike, Adidas, Puma ou North Face. Le groupe profite de son succès historique en Angleterre pour accélérer l’ouverture de ses magasins en Europe et aux Etats-Unis. Ce plan de développement assure une forte croissance mais aussi une très bonne rentabilité et une excellente génération de cash-flow. D’ici 2 ans, JD Sports devrait avoir près de 30% de sa capitalisation boursière en cash, ce qui offre de belles perspectives de retour de cash aux actionnaires.
Smith&Nephew (3.05% des fonds) : Cette entreprise anglaise du secteur médical a trois activités : la chirurgie orthopédique (#4 mondial), la médecine du sport (#2 mondial) et le traitement avancé des plaies(#2 mondial). Ces 3 métiers sont attrayants : ils sont en croissance et sont fortement consolidés autour de 4 acteurs principaux. Cela offre une garantie de discipline et de rentabilité. Nous avons investi dans Smith&Nephew car nous voyons une opportunité d’amélioration dans la division chirurgie orthopédique. Cette activité a fortement souffert du COVID avec le report des opérations chirurgicales, les problèmes demain d’œuvre et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. Cela s’est traduit par une très forte baisse de la rentabilité. Mais un nouveau management a pris les commandes avec un plan concret et détaillé pour restaurer les marges de cette division et celle du groupe. Si les objectifs sont atteints, le titre est à moins de 13x PE, une décote de 30% par rapport à la moyenne des 10 dernières années.
Daimler Truck (3.5% des fonds) : Ces 3 dernières années, Volkswagen, Daimler et CNH ont scindé et mis sur le marché leur activité camions, donnant naissance respectivement à Traton, Daimler Truck et Iveco. Si l’on ajoute Volvo et Paccar, deux autres fabricants de camions qui étaient déjà côtés, ces 5 acteurs contrôlent ensemble 97% du marché mondial des camions. L’industrie est donc très consolidée et cela devrait assurer une rentabilité satisfaisante, même en bas de cycle. Nous sommes devenus actionnaires de Daimler Truck car c’est le #1 mondial avec 29% de part de marché dont 40% aux Etats-Unis, le marché le plus rentable. Le groupe allemand a non seulement un bilan très solide (€8.5milliards de cash) mais génère aussi beaucoup de free cash-flow (€5 milliards sur 2024-2025). Ainsi, le groupe pourrait avoir €13.5 milliards de cash au bilan d’ici 2 ans (50% de sa capitalisation boursière actuelle), et en retourner une bonne partie aux actionnaires sous forme de dividende et de rachats d’actions.
Nos investissements Short
BDL Rempart
Bulle verte : chacun connait l’urgence de limiter le réchauffement climatique, et chacun sait que le défi le plus important est de remplacer les énergies fossiles par les énergies « vertes », principalement l’éolien et le solaire. Nous sommes actionnaires de Engie et Total Energies, deux sociétés décotées qui investissent chaque année des montants très importants dans les énergies renouvelables. Mais cette tendance de fond a aussi entraîné de nombreux excès. La convoitise, alimentée par des capitaux importants, a entraîné une bulle spéculative dans ce segment. Un peu comme la bulle TMT des années 2000, cette bulle verte a fini parse dégonfler quand la réalité s’est révélée plus compliquée que prévu. Les problèmes d’exécution, l’inflation des coûts et la hausse des taux d’intérêt ont montré que beaucoup de projets renouvelables n’étaient finalement pas rentables, poussant plusieurs acteurs à abandonner des contrats et à enregistrer d’importantes dépréciations d’actifs. Ce sont les profits décevants et les valorisations déraisonnables qui sont à l’origine de l’éclatement de cette bulle verte. Nous en avons profité et notre position short est désormais fortement réduite car l’essentiel du chemin a été fait. Le secteur des énergies renouvelables reste en forte croissance, c’est sa capacité à être rentable qui garantira sa pérennité.
Nordic Semiconductor : Cette société Norvégienne est un fabricant de semiconducteurs spécialisé dans la connectivité Bluetooth. Elle fait face à des difficultés industrielles, concurrentielles et conjoncturelles. Industriellement, Nordic Semiconductor a deux faiblesses. Premièrement, l’entreprise n’a aucune usine et se repose à 100% sur les fondeurs asiatiques. Deuxièmement, son budget R&D est 1/10e seulement de celui des grands acteurs comme STMicroelectronics, Texas Instruments ou Infineon. Sa position concurrentielle est donc fragile et les évolutions de l’industrie lui sont défavorables. Dans le haut de gamme, les clients cherchent à rationaliser leurs fournisseurs, ils donnent la priorité aux acteurs capables de proposer plusieurs modules en même temps, allant de la connectivité au contrôle de la puissance. Nordic Semi est trop spécialisé et risque de perdre des parts de marché. Dans le bas de gamme, la société est attaquée par de nombreuses entreprises chinoises qui exercent une forte pression sur les prix. Enfin, conjoncturellement, les profits warnings se multiplient dans l’écosystème de Nordic Semi : concurrents, distributeurs et clients. Nous attendons un résultat opérationnel 25% en dessous du consensus pour 2024 et le titre est à 139x PE2024.
Iveco : Le groupe italien est le plus petit des 5 fabricants de camions que nous avons cités précédemment dans notre analyse de Daimler Truck. Nous avons vu que le groupe allemand a une forte position concurrentielle, Iveco, lui, est dans une quadruple impasse commerciale, géographique, industrielle et financière. 1) le groupe est majoritairement présent sur les utilitaires (60%+ du CA), là où la concurrence est la plus forte et les marges sont les plus faibles 2) Iveco est absent de l’Amérique du Nord, le marché le plus rentable 3) son outil de production est obsolète : en Europe il a trois fois plus d’usines que Volvo pour produire le même nombre de camions. 4) l’optimisation comptable des marges ne masque pas le problème du cash-flow. Avec l’augmentation du capex et des frais financiers, nous prévoyons que le groupe brule du cash en 2023, 2024 et en 2025.
Développement
Pour compléter l’équipe d’analyse, Alaric Delmas a rejoint Paul de Branche pour travailler sur les secteurs des médias, de la consommation courante et du luxe.
Bertrand Merveille est arrivé en tant que Directeur Général. Bertrand a plus de 20 ans d’expérience dans le secteur de la gestion d’actifs, il apporte sa maîtrise des diverses classes d’actifs et sa connaissance fine des différents canaux de distribution en France et à l’étranger.
Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir Bertrand. Il y a 18 ans, alors collaborateur à l’Autorité des Marchés Financiers, il était partie prenante dans l’agrément de notre société de gestion. Il a connu dès ses débuts la genèse de notre aventure entrepreneuriale ! En rejoignant notre équipe, il œuvrera directement à la poursuite de ce projet.