L’ESG : Un combat noble inflationniste
En quelques années, l’ESG est passé d’un acronyme obscur à une préoccupation universelle. Cette prise de conscience généralisée des ressources limitées de la planète est salutaire.
Cependant, l’expérience montre que le constat est une chose, la mise en place de solutions en est une autre. La boussole naturelle de notre système économique est l’optimisation des profits plutôt que la préservation des ressources naturelles.
Infléchir nos habitudes nécessite de légiférer pour réduire les comportements nocifs (amendes) et récompenser les initiatives de transition (subventions).
L’arsenal législatif s’est beaucoup renforcé en 2022. C’est encourageant pour la planète mais c’est aussi une nouvelle source d’inflation à long terme. Résoudre le défi du réchauffement climatique revient à limiter l’utilisation des ressources naturelles et dépolluer notre système énergétique. Dit autrement, nous devons réduire et reconstruire l’offre alors que la demande est en croissance. C’est un processus naturellement inflationniste.
Lors des dernières semaines, l’Europe a pris plusieurs décisions qui illustrent notre propos. L’une d’entre elles porte sur la chaîne d’approvisionnement de matières premières importantes comme l’huile de palme, le café, le cacao, le lait, le caoutchouc… Désormais, les producteurs de ces matières devront prouver que leur culture n’a pas été réalisée sur des terres issues de la déforestation. L’Europe prévoit des amendes qui iront jusqu’à 4% du chiffre d’affaires en cas d’infraction à cette réglementation. En clair, cela devient moins facile et donc plus coûteux de cultiver ces matières premières. Cela sera donc répercuté dans des prix structurellement plus élevés.
Lors de la COP15 sur la biodiversité, mi-décembre, 195 pays se sont mis d’accord sur un objectif majeur : la protection de 30% des espaces terrestres et 30% des espaces marins d’ici à 2030, contre respectivement 17% et 8% aujourd’hui. Cette ambition est nécessaire pour ralentir la déforestation et endiguer la pêche abusive par exemple. Mais c’est un cas évident de réduction de la taille de l’offre alors que la demande augmente, tirée par la croissance de la population mondiale. Pour éviter une tendance inflationniste il faudrait anticiper une forte augmentation de la productivité de cette offre réduite. Mais rien n’est moins sûr. Si nous pouvons nourrir près de 8 milliards d’être humains, c’est essentiellement car nos rendements agricoles ont augmenté exponentiellement ces 50 dernières années. Mais nous devons ce prodige principalement à la consommation des engrais qui a été multipliée par neuf depuis 1960. Or ces engrais font partie du problème car leur production et leur utilisation contribuent significativement au réchauffement climatique. En utiliser plus n’est pas la solution, Il est donc très probable que ce nouvel objectif de protection des terres et des mers soit inflationniste à long terme.
En décembre encore, l’Europe a aussi entériné la réforme du marché européen des droits carbone (ETS), un troisième exemple de pression inflationniste. Ce nouvel accord a deux conséquences. Premièrement, une augmentation du coût des émissions de CO2 pour les entreprises avec la réduction progressive des quotas d’émission gratuits. Deuxièmement, l’élargissement de ce « coût CO2 » à de nouveaux secteurs comme le transport routier et maritime ou les bâtiments. Pour simplifier il y a donc une partie grandissante de l’économie qui supportera des coûts de production plus élevés. Cela risque d’être reflété dans une hausse des prix de vente et viendra nourrir l’inflation structurelle.
L’analyse des causes et conséquences de la très forte inflation de 2022 montrera une combinaison de facteurs temporaires et structurels. Parmi ces derniers, l’ESG est rarement cité. La législation qui s’élargit et se durcit progressivement est pourtant significative et durable. Atténuer le réchauffement climatique est un combat noble mais inflationniste.