Le plan Draghi a un problème de financement car l’Europe a un problème d’épargne

Temps de lecture : 1 min
   Publié le  
October 14, 2024
 par 
Laurent Chaudeurge

Le plan Draghi a un problème de financement car l’Europe a un problème d’épargne

Le groupe allemand Allianz a récemment publié son rapport annuel sur l’évolution mondiale du patrimoine des ménages en 20231. Il conclut qu’après une année 2022 difficile, les actifs financiers des ménages ont progressé de 7.6% l’année dernière pour atteindre EUR 239 000 milliards à fin 2023.

Ce rapport est d’autant plus intéressant qu’il fournit des informations précises sur la décomposition du patrimoine des ménages par région. Le constat est sans appel : les européens ont un problème d’épargne, ou plutôt de répartition de leur épargne. Ils financent essentiellement des actifs non productifs quand les américains font l’inverse et soutiennent leurs entreprises.

Il y a 2 graphes dans ce rapport qui résument à eux seuls les incohérences de l’allocation du capital en Europe et montrent le fossé qui nous sépare des Etats-Unis.

Le 1er graphe montre la répartition des actifs financiers par classe d’actifs. Le poids des dépôts bancaires (non productifs) est 2.5 fois plus important en Europe qu’aux Etats-Unis.

Répartition des actifs financiers par classe d’actifs en %

Le 2e graphe montre la répartition de la richesse des ménages entre leur patrimoine immobilier et leurs actifs financiers. Le poids de l’immobilier (non productif) est 50% plus élevé dans le patrimoine des européens.

Part des actifsfinanciers et de l’immobilier dans le patrimoine des ménages, en %

En combinant plus d’immobilier et plus de dépôts bancaires, les ménages européens sont passifs alors que leurs homologues américains investissent et financent leurs entreprises. Les deux graphes pris ensemble sont édifiants : pour 100 euros de patrimoine, l’européen n’investit que 30 euros dans des actifs productifs contre 55 euros pour l’américain. Rapporté au niveau global, cela signifie que EUR 30 000 milliards sont investis dans des actifs productifs par les ménages européens contre près de 90 000 milliards pour les Américains, alors que ces derniers sont 330 millions contre 415 millions de citoyens en Europe de l’Ouest… Autrement dit, les américains sont moins nombreux et leur taux d’épargne est moins élevé mais ils investissent pourtant trois fois plus dans des actifs productifs que les européens. CQFD.

En somme, nous finançons des Etats endettés et dispendieux pendant que les Américains financent leur outil de production de richesse pour aboutir à la création de champions industriels et technologique. Dans son récent rapport sur l’Europe, Mario Draghi ne dit pas autre chose. Il constate la mauvaise allocation du capital des citoyens européens tout en expliquant qu’il faut que l’Europe investisse chaque année 800 milliards de plus qu’elle ne le fait actuellement pour relever les multiples défis soulevés par les transition énergétique, digitale et la nouvelle donne géopolitique.

Mais plutôt que de lever encore plus de dette pour financer ces nouveaux investissements, nous devrions réfléchir sérieusement aux façons d’inciter nos citoyens à augmenter le poids des actifs productifs dans leur épargne. Car si les européens ne faisaient qu’imiter les Américains dans la répartition de leur patrimoine financier, cela ferait 8 000 milliards d’épargne disponible pour des investissements productifs pour financer nos startups, nos entreprises en croissance, nos besoins en infrastructures etc. 8 000 milliards à investir pour se donner la possibilité d’enrayer notre déclin et enclencher une nouvelle dynamique de croissance.

Car c’est l’épargne productive, celle qui investit dans les entreprises, cotées et non cotées, qui est le moteur de la croissance et de la prospérité. Les responsables politiques et les régulateurs doivent tout mettre en œuvre pour favoriser l’épargne en actions. Cela garantit des marchés cotés dynamiques qui assurent le financement des introductions en bourse et garantissent la liquidité aux entrepreneurs et aux sociétés de private equity qui, en retour, peuvent se lancer dans de nouveaux projets ou accompagner et financer d’autres entreprises.

La culture actions est à la base de ce cercle vertueux qui alimente le financement productif de notre économie. Elle est omniprésente aux Etats-Unis mais quasiment inexistante en Europe. Le vrai défi schizophrène des pouvoirs publics est là : comment révolutionner les mentalités pour convaincre et encourager les citoyens européens à investir dans l’entreprise plutôt que de subventionner des dépenses publiques non productives et mal maîtrisées.  

L’Europe a des atouts que d’autres nous envient, comme nos systèmes de santé, d’éducation ou de sécurité sociale. Mais ce modèle sociétal arrive à bout de souffle car nous sommes incapables de créer de la richesse par notre travail et nos entreprises. Avec une population déclinante, la croissance de l’Europe passe par la productivité et donc l’innovation. Mais nous préférons financer des Etats plutôt que des investissements privés prometteurs. Si notre logiciel ne change pas, le déclin relatif de l’Europe continuera car nous serons progressivement asphyxiés par notre endettement. Pour demeurer compétitifs, il nous faut augmenter l’épargne en actions des européens pour pouvoir financer plus d’entreprises innovantes et plus d’investissements productifs.

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Le plan Draghi a un problème de financement car l’Europe a un problème d’épargne