Fonds de pension UK | La hausse des taux : se préparer à l’imprévu
Des changements de direction risqués
Après une décennie de baisse ininterrompue des taux, les investisseurs doivent changer leurs habitudes et leurs réflexes pour naviguer dans un environnement où les taux remontent. Comme souvent, ces changements de direction sont risqués. Les mouvements brusques entraînent des réactions en chaîne difficilement prévisibles.
L’épisode récent des fonds de pension anglais nous en donne un aperçu. Il était brusque, inattendu, et potentiellement déstabilisant pour le système financier. C’est précisément pour éviter ce scénario que la banque centrale d’Angleterre a dû intervenir de manière précipitée pour enrayer la hausse du taux 30 ans anglais. Ce dernier est monté de 120bp à 4.96% en 3 jours entre le 22 et le 27 septembre. La BOE a donc annoncé qu’elle allait acheter des obligations d’échéance 20 ans ou plus, potentiellement dans des quantités illimitées, chaque jour jusqu’au 14 octobre.
Le mécanisme des fonds de pension anglais mis à l'épreuve
Il est important de comprendre ce qui s’est passé car cela met en lumière les fragilités d’un système interconnecté et utilisant l’effet de levier. Les fonds de pension anglais ont pour mission de payer la retraite des salariés anglais jusqu’à leur décès. Cette obligation à longue échéance (~30 ans) constitue la dette/passif de ces fonds de pension. A l’actif, ils investissent dans des obligations mais aussi des actions et autres classes d’actifs.
Etant donnée sa longue maturité, le passif des fonds de pension est très sensible au moindre mouvement des taux. Si les taux montent, le montant du passif baisse et vice versa. Le risque est donc que les taux baissent brusquement car le passif (donc la « dette ») montera fortement. Pour « couvrir » ce risque, les fonds de pension investissent dans des produits dérivés qui leur font gagner de l’argent si les taux baissent. Comme il n’y a pas besoin d’avancer les fonds pour acheter ces produits (swaps par exemple), la chambre de compensation impose des appels de marges quotidiens pour limiter le risque de crédit. Toute cette mécanique fonctionne parfaitement lorsque les taux ne bougent pas ou peu, il n’y a pas d’appels de marge ou ils sont faibles.
Dans le cas précis, c’est cette brusque hausse des taux qui déclenche le problème. Les fonds de pension perdent alors beaucoup d’argent sur leurs produits dérivés (en mark-to-market) et ils doivent honorer des appels de marge bien plus importants que les liquidités qu’ils possèdent. Ils sont alors contraints de vendre des obligations, ce qui a pour effet de faire monter les taux encore plus et d’enclencher un cercle vicieux. Le phénomène est alors amplifié par les spéculateurs et la banque centrale doit intervenir pour stopper cet enchaînement. Avec ses moyens illimités, sa décision permet de rétablir la confiance dans le système.
Mais il ne faut pas se méprendre. Ce type d’intervention précipitée reste très rare. SI la BOE a dû agir, c’est que les risques pour le système financier étaient majeurs. La taille du marché des fonds de pension en Angleterre est estimée à $3.2trillions, soit 118.5% du PIB anglais. Il est impensable de laisser ce segment vaciller plus que quelques jours. D’autant que le taux 30 ans est aussi un indicateur du taux d’emprunt immobilier. Une hausse trop rapide de ce taux peut provoquer une crise du marché immobilier puis entraîner une crise du consommateur et donc une récession sévère.
Les difficultés imprévues des fonds de pension anglais montrent qu’investir dans un environnement de taux qui montent est plus dangereux que l’inverse. Il faut être vigilant sur la valeur des actifs, les niveaux de levier et les sources de contagion dans des marchés financiers interconnectés.